Le guerrier
Combattre, se défendre, lutter, des mots bien familiers à nos oreilles, presque quotidiens et pourtant…
Bien que nombre de nations soient le théâtre de faits de guerre, la violence à laquelle nous sommes potentiellement exposés n’a que très peu à voir avec ces évènements.
Cependant, force est de constater que l’efficacité mise en avant par une part importante des clubs d’arts martiaux se réfère à une efficacité guerrière, souvent fantasmée. J’ai moi-même adhéré à ce fantasme durant mes premières années de pratique et cela a été positif… jusqu’à un certain point.
Chaque pratiquant se forme assez tôt dans sa pratique une image mentale d’un idéal à laquelle il désire ardemment ressembler. Cette construction mentale est un moteur puissant d’évolution à ne pas négliger.
Cette image peut être celle d’un grand maître, d’un professeur, d’une figure historique, d’un pratiquant de talent ou une combinaison de plusieurs de ces exemples. Oups! j’en ai oublié une: le guerrier!
Cette image du guerrier sans peurs et sans reproches véhiculée par les romans, la TV, la BD, etc… n’est pas détestable tant qu’il est entendu par tous qu’il s’agit d’un vecteur de vertus telles que l’abnégation, la défense d’autrui, le respect,… en somme l’équivalent d’un code de bonne conduite du pratiquant lui permettant de se construire, car le guerrier c’est aussi l’obéissance inconditionnelle au chef, au clan,à l’école ou au style. C’est l’apprentissage et le respect du code, la soumission.
Lorsque cette image n’évolue plus et stagne, le danger apparaît. Lui étant soumis elle devient alors une prison mentale, une obsession pouvant mener à une névrose et pire… révéler une dimension psychotique.
Le seul critère d' »efficacité guerrière » est donc un outil de sélection insatisfaisant. En effet, parmi les candidats les plus « aptes » et sélectionnés sur cette base se cachent des bombes à retardement. Psychologiquement fragiles (alors qu’ils se pensent très forts) et susceptibles de participer eux mêmes aux futures sélections, encourageant ainsi la poursuite du phénomène.
Danger pour soi et pour les autres.
Comment peut on donner une réponse adaptée à une situation de violence de « basse intensité » lorsque l’on s’est entraîné pendant des années en mode « close combat« ? (ex.: un proche alcoolisé qu’il faut maîtriser sans blesser) Soit on estropie l’adversaire parce que l’on ne sait pas faire autre chose, soit on intervient « au petit bonheur la chance » au risque de se retrouver soi même explosé.
Ou encore, à l’entraînement, avec les ecchymoses, les luxations et autres fractures dues à des techniques mal maîtrisées mais justifiées car pratiquées avec l »‘esprit du guerrier« . Personne ne devrait accepter de mettre son intégrité en pâture sous un prétexte aussi primaire.
Quoi qu’il en soit, apprendre à mettre un adversaire hors combat n’est pas très compliqué. Il suffit de quelques semaines d’entraînement intensif pour former des commandos au combat au corps à corps. S’entraîner pendant 5, 10 ans ou plus pour y parvenir ne peut vouloir dire qu’une chose: le système que vous avez suivi est bien médiocre!
Quelle solution?
Tout au long de votre pratique, faites évoluer, transformez, affinez votre image mentale d’un idéal martial. Chaque image est un support pour la suivante. Ne vous laissez pas enfermer par des images trop « clichés » du genre: « un pratiquant c’est ça! Çà fait ça comme ci et ci comme ça!« … et patati et patata.
« Le mouvement, c’est la vie. La stagnation, c’est la mort.«
Le véritable adversaire n’est pas à chercher très loin, il sommeille en nous. Ce sont les certitudes que vous aurez érigées pour vous protéger et vous rassurer qu’il vous faudra abattre. Dès lors que vous serez décidés à le faire, cet adversaire apparaîtra pour vous en dissuader… vous voyez, pas difficile de le réveiller.